Vive la flotte. [ PV ]

Il pleuvait. Il pleuvait même averse. Et pourtant, Muse Eternelle continuait de chasser. La brave fille. Non, en fait, c’était surtout qu’en un après-midi hors du Clan, elle n’avait pas

trouver de quoi faire comprendre au Clan qu’elle avait fait autre chose que glander. Oui, il fallait l’avouer, elle avait glandé ! Mais pas seulement, et c’était rageant de ne pas pouvoir rapporter une petite preuve. Alors malgré la pluie qui la poussait à avoir envie de rentrer au camp, elle continuait de traquer, sentant qu’elle allait pas tarder à s’enrhumer. Et pourtant non. Par un heureux caprice du ciel, la pluie cessa brusquement, laissant la guerrière trempée et les environs tout aussi bourbeux. Bon, au moins elle allait pouvoir espérer sécher son beau poil. Elle eut un sourire ironique. Il faisait un temps de merde au Clan des Saules, mais un truc de fou. Avec un soupir, elle se remit en chasse, le nez au sol. Et soudain, l’odeur d’un rat d’eau vint chatouiller son nez. Oh ouiii, enfin ! La chatte s’élança vite sur ses traces, remontant vers la provenance de ce fumet. Elle le localisa vite. Il était les pattes dans le torrent, juste à côté du gué. Elle devrait se mouiller le ventre !? Oh, tant pis hein, elle était déjà totalement trempée alors un peu plus, un peu moins ... ! Elle s’aplatit au sol, fixant ce qui serait son excuse pour avoir dégagé du Clan tout l’après-midi.

Elle avait en effet quitté le campement il y avait de ça quelques heures, décidant que c’était là le meilleur moyen d’éviter que Plume Argentée, qui faisait office de lieutenant, ne se permette de lui donner un ordre. En effet, en tant que sœur de la meneuse, la petite balinoise avait depuis longtemps décidé que seule Feuille avait l’autorisation de la commander, et que ce ne serait pas cette petite boule de poils à peine sortie de son apprentissage qui lui dicterait sa conduite. Mais étant donné que le politiquement correct l’empêchait de se « rebeller » contre le lieutenant, elle se contentait de fuir tout l’après-midi pour trouver quelque chose de mieux à faire que d’obéir aux ordres d’une gamine paresseuse et si gourmande qu’elle dévalisait la moitié du garde-manger et que et que et que ... Et que Muse elle l’aimait pas quoi. Malgré tout l’amour qu’elle portait à sa sœur, elle devait bien se dire que sur ce coup-là, Feuille avait pas assuré des masses. Mais bon, en même temps, Etoile Céleste venait de mourir, et Muse avait immédiatement été la voir pour lui dire qu’elle n’avait aucune envie d’être lieutenant. Ce qui, d’ailleurs, avait surpris des masses de guerriers, vu que la petite chatte était d’habitude plutôt ambitieuse. Elle s’était expliquée en riant, signalant que pour elle, les responsabilités tuaient le rôle, et qu’elle n’avait aucune envie qu’on parle de Feuille comme d’une chatte qui pistonnait sa famille. La meneuse s’était donc plongée dans ses pensées et, contre toute attente, avait nommé Plume Argentée lieutenant. Contre toute attente car la chatte était paresseuse et si gourmande qu’elle faisait un beau trou dans la réserve de gibier. Muse n’avait pas été demandé d’explications à Feuille, vu qu’elle s’en foutait, mais elle imaginait plus ou moins que sa sœur, dans un sursaut de paranoïa, avait pris la chatte la moins susceptible de lui faire un coup d’état.

Un mouvement à la périphérie de son champ de vision la fit sursauter. Sa preuve s’enfuyait ! Avec un juron sonore, elle se releva, cessant de traquer avec discrétion et silence. L’animal s’empressa de se réfugier dans l’eau, aussi Muse Eternelle se jeta elle aussi dans la rivière, bien décidée à ne pas laisser s’échapper le petit rongeur. Elle se mit illico à patauger dans l’eau, mais voyant qu’il prenait de l’avance, décida de nager. Fendant l’eau, elle faillit rattraper sa proie qui s’échappa de peu. La belle lâcha un second juron, avant d’accélérer pour donner un grand coup de patte au petit rongeur. Etourdi, il ralentit, et elle put l’attraper entre ses crocs pour briser ses fragiles vertèbres. Fière de sa proie, Muse Eternelle traversa la rivière. Elle déposa le petit cadavre sur le sol, avec un petit « ahah ! » triomphant. Elle s’ébroua, puis reprit sa proie entre ses crocs. Un rapide regard vers le ciel lui apprit qu’il allait recommencer à pleuvoir. Oh bah chiotte alors. Elle se tourna, décidant d’enfin rentrer. La proie entre les dents, elle se mit à courir le long de la rive, pour retrouver le campement au plus vite. Elle arrivait près du gué lorsque les gouttes tombèrent à nouveau. Avec un juron, elle s’engagea à toute allure sur le passage de pierres. Et ce qui devait arriver arriva.
Elle glissa.
Elle se retrouva la tête dans la flotte, et dut faire de son mieux pour ne pas ouvrir la bouche et lâcher sa proie. Par un monumental effort de volonté, elle y parvint, et lorsqu’elle creva la surface, elle tenait encore sa proie entre les crocs. Elle lança un regard circulaire. Plissa les yeux en apercevant une silhouette bicolore sur la rive.

« FEUILLE, JE TE PREVIENS QUE SI TU TE MAAAAAAAAAAARRES ... »

Par la grâce du Clan des Etoiles, mais quel temps atroce. Il pleuvait à verse. Non pas que cela gêne Etoile de Feuille, habituée à la rudesse des éléments. Il tombait des litres d’eau mais elle, sous la pluie, elle n’en avait cure. Passant d’un guerrier à un autre, elle formait des patrouilles du soir, de la nuit et de l’aube, et commençait déjà à prévoir celles du lendemain. Jetant un coup d’œil à leur garde-manger qui commençait à ressembler à une piscine, puis à un groupe d’apprentis oisifs, la meneuse se dirigea vers eux pour leur demander de mettre les proies au sec sous le promontoire, puis de tasser la terre de leur réserve pour créer une petite toiture qui empêcherait la perte de toute nourriture. Mais quel génie d’invention, ce meneur. Les apprentis, déconfits, se levèrent et partirent exécuter ses ordres en courant pour passer le moins de temps possible sous l’eau. La meneuse ne réussissait pas à comprendre pourquoi les siens n’aimaient pas la pluie. Attrapant un guerrier, elle lui annonça qu’elle partait chasser, et après qu’il ait accepté de prévenir Plume Argentée, Etoile de Feuille quitta son campement ilot en nageant pour atteindre l’autre rive, puis ne prit même pas la peine de s’ébrouer. A quoi bon ? Avec ce qu’il tombait, inutile qu’elle s’enquiquine. Elle s’éloigna de la petite ile pour aller chasser, mais surtout prendre un bon bol d’air.

Au moment où elle arrivait vers la cascade, il ne pleuvait plus. Ah, les apprentis cesseraient donc de râler. Elle croisa la patrouille de l’après-midi, la salua et papota un peu pour se tenir au courant des exactions des autres Clans. Rien de nouveau, mais des odeurs canines assez fortes dans les pâturages. Il fallait donc recommencer à se méfier des chasseurs et de leurs cabots baveux. Elle opina du chef et repartit, se dirigeant vers le gué où elle espérait trouver quelques poissons faciles à pêcher, mais surtout croiser sa sœur en chemin. Elle ne l’avait pas vu depuis ce matin, quand celle-ci avait clamé à Plume Argenté qu’elle devait aller chasser, sous les ordres d’Etoile de Feuille. La meneuse avait volontiers couvert sa sœur, sachant que cette dernière n’arrivait pas à supporter le lieutenant. Selon elle, une gamine à peine sortie de l’enfance, gourmande et flemmarde, accro aux graines mais surtout incompétente. Etoile de Feuille ne partageait pas cet avis et pensait que Plume Argentée avait un vrai potentiel, et qu’elle pourrait se révéler être une vraie meneuse charismatique ... Si elle prenait effectivement la peine d’arrêter de piller leur réserve et de dormir inopinément, tout en ingérant des quantités incroyables de graines sensés la tenir en forme. Hm, elle aurait peut-être du choisir un autre lieutenant, en fait. Mais Muse Eternelle ayant catégoriquement refusé de le devenir, elle n’avait pas su vers qui se tourner. Décision hâtive ? Seul le temps nous le dira.

Arrivant à hauteur du gué, elle fut assaillie par la forte odeur d’un rat d’eau en train de fuir. Elle se tassa sur elle-même pour qu’il ne sente pas son odeur et qu’elle puisse l’attraper, mais une autre odeur lui apprit qu’il ne servait à rien qu’elle soit discrète. Quoique ! Un autre ragondin s’aventurait innocemment vers la berge. D’un coup de patte et sans fioritures, la meneuse l’expédia au pays des Cimmériens et le prit dans sa gueule. Elle releva la tête et plissa les oreilles en entendant un éclat de voix. Ennemi ou ami ? L’odeur ne lui apprenait rien, car les effluves aquatiques étaient trop prégnants. Elle s’approcha très discrètement pour voir une ombre fugace traverser le gué à vive allure ... Et glisser, et faire un majestueux plongeon dans l’eau. Etoile de Feuille s’approcha rapidement, inquiète, se demandant si elle devait plonger pour porter secours au félin infortuné. Lequel ressortit sa tête de l’eau en crachotant, darda sur elle des yeux meurtriers ... Etoile de Feuille tint sa langue et enferma son rire au plus profond de ses pensées. C’était Muse Eternelle, un rat d’eau dans la gueule. Le fameux rat d’eau lui ayant échappé. La meneuse ne put empêcher un léger sourire flotter sur sa gueule.

« Le poète dit qu’il y a fort longtemps, les chats étaient d’étranges créatures et qu’elles venaient de l’eau. Ce temps et néanmoins révolu. Le savant, lui, dit qu’un chat n’est pas pourvu de branchies et que tu devrais sortir avant d’attraper froid ... »

Le sourire de la meneuse se fit plus grand mais son rire ne franchit pas ses crocs résolument fermés. Une fois sa sœur sortie de l’eau, Etoile de Feuille s’assit face à elle, et put constater qu’elles étaient toutes deux dégoulinantes.

« Si c’est cette proie ton excuse à Plume Argentée, il serait bon que nous allions chasser, histoire qu’elle ne te traite pas, à juste titre, de flemmarde ... »

Bien qu’elle n’ait nulle leçon à te donner.
MAIS BON PASSONS.

« Il en avait de bien bonnes, ton poète. »

« Auquel cas je m’excuserai platement en implorant son divin pardon, car, comme je suis sensée le savoir depuis ma tendre enfance, Plume d’Argent est un modèle pour nous tous. »

« DES CANARD ! »

« ... Il manque des canards. Pourquoi il n’y a pas de canards à cette époque de l’année, d’abord ? J’aime bien les canards, moi ... »

Muse était-elle en train de se payer sa tête ? Ne cherchant même pas à le deviner, puisque la réponse eut été de toute manière négative, la meneuse regarda sa sœur sortir de l’eau en crachotant et ahanant, la fusillant du regard car ses prunelles d’or riaient à sa place. Muse Eternelle s’approcha et lui colla un coup de langue entre les deux yeux, sachant pertinemment que sa sœur détestait ça. Alors comme vengeance, Etoile de Feuille laissa sortir l’insidieux rire que Muse ne voulait entendre. Oui, elle se mit à rire en contemplant sa sœur toute trempée et en se remémorant son incroyable chute dans l’eau, quand bien même il y avait le gué. Elle cessa de rire et voulut placer une remarque subtile, mais se retint, et fut d’ailleurs coupée par Muse qui critiquait ouvertement le lieutenant. Etoile de Feuille ne put retenir un soupir et leva sa tête vers les cieux. Ô, Clan des Etoiles, dites-moi comment parler avec ma jumelle sans devoir la prendre avec des pincettes ou mettre des gants. Parce qu’un chat, n’étant pas pourvu de mains, ne peut mettre des gants. Je vous passe les inventions sadiques des hommes, ces chaussons de chiens atrocement ridicules. La meneuse reposa son regard d’ambre sur celui de sa sœur, qui la fixait avec un sourire ironique.

« Muse, je ne peux pas te couvrir tout le temps. Certes, tu n’aimes pas le lieutenant, mais si tout le monde dans ce Clan agissait comme toi, ce serait l’anarchie. Alors prends sur toi et obéis-lui. Je l’ai nommée parce que j’avais confiance en elle, et pas pour les qualités peu glorieuses que tu lui vantes à tout bout de champ. Je détesterais devoir te punir si Plume Argentée vient de plaindre à moi de ton manque de respect. »

Contre toute attente, sa sœur ne répondit pas. Etoile de Feuille préféra prendre cette réaction pour de l’indifférence plutôt que pour du mépris. Ah, avoir une sœur qui tient tête à tout le monde, et qui est assez vaniteuse pour s’enorgueillir de la position de sa jumelle tout en n’acceptant des ordres qui émanaient d’elle, mais pas de ses subordonnés ... C’était assez difficile à gérer pour la meneuse, aussi difficile que l’apprentissage de sa plus jeune sœur, Nuage d’If, qui se révélait avoir un caractère aussi têtu que celui de Muse Eternelle. Avec elle comme avec Esprit du Ciel, son ancien apprenti, il n’y avait pas de places pour l’imagination. Seulement pour l’apprentissage. Quel dommage, elle aurait tellement adoré apprendre à sa petite sœur comment être libre. Elle ne lui apprendrait malheureusement qu’à être une guerrière compétente. C’était tout, et c’était assez désolant, même si elle était assez maligne pour ne pas montrer son désarroi. Déjà que Nuage d’If avait eu peur d’elle quand elle était revenue avec ses neuf vies ... Etoile de Feuille n’oublierait jamais son désarroi et sa peur de voir sa sœur s’éloigner d’elle à cause de ses vies. Quelle étrange impression. Heureusement, son savant et son poète avaient pu redonner le sourire à Nuage d’If, qui ne nourrissait maintenant plus aucune crainte.

Le hurlement de sa sœur la tira de sa léthargie et la fit sursauter. Des canards ? Mais qu’est-ce qu’elle racontait ? Par le Clan des Etoiles, sa sœur serait-elle devenue une folle bonne à enfermer ? Etoile de Feuille darda un regard inquisiteur sur Muse Eternelle quand celle-ci lui expliqua qu’elle trouvait bizarre l’absence de canards dans le coin. Elle écarquilla les yeux de surprise et faillit lui répondre qu’on se fichait de la présence ou non de canards dans le coin. Le plus important était de nourrir le Clan, pas de disserter sur l’improbable arrivée des canards du fait de leur migration tardive ! Elle allait lui répondre cela quand Muse se leva et lui fit signe de la suivre. Ah bon ? Haussant les épaules, la sœur lui emboîta le pas et la regarda sauter avec précision sur un campagnol qui passait innocemment. Se tournant vers elle, elle la mit silencieusement au défi d’en faire autant. Ah ouais ? Etoile de Feuille lui renvoya un regard inexpressif, et la contourna en silence pour s’approcher de la berge. Car dans l’eau barbotait tranquillement un ... Canard. Se ramassant sur elle-même, la meneuse bondit et atterrit sur le dos de l’animal, lui tordant le cou d’un coup de patte. Mais en contrepartie elle eut droit à son beau plouf dans l’eau. Faisant émerger sa tête, elle attrapa le gallinacée par le cou et sortit de l’eau en nageant sans faiblir. Posant la bestiole au sol, elle s’ébroua et fit gicler l’eau que contenait son pelage aux environs. Puis elle posa une patte victorieuse sur le cadavre du gallinacée et eut un sourire tranquille.

« Moi aussi, j’aime bien les canards. Mais seulement dans mon estomac. »

courant

« Mais c’est gentil les canards ... »

canard

« Je chasse, je patrouille et j’entraîne de temps à autre les apprentis de guerriers ne pouvant le faire. Que veux-tu de plus ? Que j’aille faire un shampoing à Plume Argentée en lui susurrant que maman est là pour elle ? Je suis désolée, mais ça dépasse mes capacités. Par respect pour toi, je ne lui désobéis pas, je me contente de l’éviter et de lui faire remarquer quand ses ordres me paraissent déplacés. Et puis ... »

« Et puis regarde. C’est à moi que tu viens faire la leçon. A moi qui chasse et qui pêche, à moi qui fais mon devoir de guerrière. Lui as-tu fait remarquer que son comportement était un peu trop ... relâché ? Désolée de te faire ça, Feuille, mais ça me frustre de voir que tu es davantage déçue de mon comportement que de celui de Plume Argentée. »

« Un rat d’eau, un campagnol, un poisson et un moineau. Ca suffira au Clan ? »

Son savant et son poète se montraient, pour une fois, formels. Sa jumelle devenait carrément tarée. Non pas qu’elle ne le soit pas déjà, mais elle l’était encore plus. Sortant de l’eau, son gallinacée en gueule, Etoile de Feuille haussa un sourcil à demi quand sa sœur reprit la parole. Comment ça, c’est gentil un canard ? Mais enfin, Muse Eternelle, on se fout que ce soit gentil un canard. Regarde, une souris c’est gentil, et pourtant ça ne nous empêche pas d’en manger. Parfois, la logique tordue de sa sœur jumelle la déstabilisait. Ou pas, vu que la meneuse avait cette même logique qui pouvait la mener à monter des plans tordus, carrément tirés sur la comète, qui ne marcheraient jamais. Et alors ? Inventer ne fait de mal à personne. Etoile de Feuille laissa son canard chuter au sol et passa une patte sur ses oreilles pour enlever l’eau qui la gênait. Elle se fichait d’être mouillée, mais quand il ne pleuvait plus, elle ne supportait pas d’avoir de l’eau dans le creux de ses belles oreilles bicolores. Une fois ces dernières à peu près sèches, la meneuse laissa retomber sa patte au sol et se réintéressa à la conversation en cours, c’est-à-dire le silence qui planait entre elles deux. Car Muse n’avait pas relancé, non, elle riait à gorge déployée. Eh bah dis-donc, ça s’arrange pas dis-moi. Etoile de Feuille soupira en souriant, secouant la tête sans vraiment trop y croire. Allez, à chacun son grain de folie mes enfants. Finalement sa sœur arrêta de rire et s’intéressa à l’élément aquatique, mais surtout au petit poisson qui y faisait tranquillement sa vie. Après tout, tout le monde sait que l’eau c’est sale, les poissons copulent dedans. Le vent qui joua dans sa fourrure la détourna de ce qu’elle voulait faire. Que voulait-elle faire ? Oh ... Elle avait déjà oublié.

Tendant ses oreilles comme deux girouettes, elle les orienta dans la direction du vent. Devenue boule de poils immobile, elle laissa le vent s’infiltrer dans sa fourrure, ignorant le froid qui la pénétrait jusqu’aux os. Eh oui, c’est qu’elle est encore mouillée, notre grande meneuse adorée. Ce ne fut que lorsqu’un frisson la parcourut qu’elle quitta son immobilisme pour se tourner légèrement vers sa sœur, occupée à pêcher, qui de fait n’avait rien vu. Tant mieux. Muse Eternelle serait bien capable de prévenir le guérisseur et de la coller dans sa tanière jusqu’à ce qu’elle aille mieux, tout simplement parce qu’elle s’inquiétait. Mais la privant du même coup de sa liberté bien-aimée, gagnée après de dures luttes mentales et ... Ouais, bon. La meneuse fut tirée de ses songes par sa jumelle, revenue devant elle, sa patte posée sur la petite motte de terre où elle avait enterré le poisson. Muse Eternelle lui parlait. Ah, euh, ouais, et elle lui disait quoi au juste ? Ah, oui bien sûr, Plume Argentée, le lieutenant, évidemment. Même si elle ne l’avouerait jamais à voix haute à sa sœur, ou seulement après avoir changé de lieutenant, Etoile de Feuille était très déçue par son lieutenant actuel. Comment diable avait-elle pu choisir un chat qui mangeait, dormait, et bouffait des graines pour maigrir ? On n’est pas dans une émission de fitness féline ! Non, Etoile de Feuille devait vraiment changer de lieutenant. Elle avait déjà son idée, et vu l’efficacité de celui qui la secondait, elle ne voyait aucun souci pour changer. Non parce que, sérieux, faut pas pousser mémé dans les orties quand elle fait de si bons macarons aux fruits rouges, non plus ! Non, elle ne pouvait pas lui ... Oh, et puis merde, voilà.

« Tu sais ce qui m’énerve chez toi, Muse Eternelle ? Mon pouvoir de super aura métallique qui réduit tout le monde au silence, comme disent les chatons, ne marche pas sur toi. C’est frustrant. Comment faire taire quelqu’un qui ne craint pas nos méthodes ? Mon poète ne me dit rien, mon savant propose de te balancer à la flotte. »

Mais cette prise de pensée avait immédiatement été oubliée par la meneuse, bien sûr. Etoile de Feuille aimait beaucoup trop sa sœur pour la balancer sans raison aucune dans le ruisseau. Quoique, sans raison aucune ... Muse Eternelle tapait dans le mille, pile sur le point sensible. Etoile de Feuille était vraiment excédée par son lieutenant, mais hors de question qu’elle passe cette frustration sur sa sœur jumelle en la flanquant à l’eau simplement parce qu’elle avait réussi à soulever le problème épineux qui la tracassait depuis un petit moment. Non, depuis qu’elle avait nommé Plume Argentée serait plus juste. N’empêche que savoir sa jumelle frustrée à cause de son attitude rendait la meneuse carrément malheureuse. Elle qui avait pensé qu’il serait plus simple d’évoquer le problème, par sous-entendus, avec Muse Eternelle, avait du se tromper, encore une fois, et elle ne pouvait empêcher son ton d’être sec et cassant.

« Tu veux savoir ? Oui, j’en ai marre de l’attitude désinvolte de Plume Argentée. Malheureusement, il s’avère que je l’ai nommé lieutenant et que je dois vivre avec ses défauts. J’aurais préféré qu’il réalise qu’il devrait cesser ses bêtises et m’aider mais il semblerait que depuis que j’ai été nommée meneuse, je cumule les bêtises à petite échelle. Certainement le métier qui rentre. »

Silence ? Oh que non.

« Puis tu veux que je te dise ? Elle m’emmerde. J’en ai rien à foutre, mais je change de lieutenant dès que je trouve un candidat potable. J’ai déjà des vues sur quelques chats du Clan, et non tu n’en fais pas partie. J’aime pas qu’on se foute de ma gueule. »

Mais c’est qu’elle est vulgaire quand elle s’énerve, la petite meneuse accro au bruit du vent !

Sa sœur laissa planer un petit silence, puis elle prit la parole d’une voix quelque peu excédée, évoquant sa super aura ultra-métallique qui faisait pisser les chatons sur eux. Et qui ne marchait pas le moins du monde sur sa frangine. Sûrement parce que venant du même embryon, la balinoise avait été immunisée contre ? Plaisante hypothèse, à vérifier néanmoins. La belle bicolore fit ensuite remarquer que c’était on ne peut plus frustrant de ne pouvoir pas faire obéir sa sœur – eh toi !, tu crois que je ne comprends pas !? – puis lui annonça, pince-sans-rire, que si son poète se la fermait, le savant suggérait plus ou moi sympathiquement pour Muse Eternelle de la foutre à l’eau. Bah dites donc, amical ledit savant. La guerrière s’apprêtait à en placer une, ironique, mais sa sœur l’en empêche, reprenant la parole. Cette fois-ci, son ton s’avéra être sec, presque cassant, si bien qu’il surprit la chatte aux yeux de saphir. Ce n’était pas dans l’habitude de Feuille de passer sa frustration sur elle. Elle haussa toutefois les épaules ; qui n’aurait pas pété les plombs, avec un sous-chef aussi désespérant ? Elle lâcha donc d’un ton glacial que oui, elle en avait marre de l’attitude du lieutenant et qu’elle aurait préféré que Plume Argentée l’aide. Sur ce point, Muse Eternelle était tout à fait d’accord. Par contre, ce qui suivit ne la satisfit pas, mais pas du tout. Ainsi sa sœur jugeait qu’elle « cumulait les bêtises à petite échelle », depuis qu’elle avait été nommée meneuse !? Muse ouvrit la bouche, prête à protester, mais déjà Etoile de Feuille reprenait. Elle lâcha finalement d’un ton exaspéré que dès qu’elle aurait le candidat idéal, Plume Argentée serait bonne pour les oubliettes. Ô joie, ô extase ! Enfin débarrassée de cette incapable ! L’espace d’un bref instant, Muse Eternelle envisagea de sauter partout en hurlant son bonheur, mais les derniers mots de sa sœur revinrent en elle. Le silence enfin revenu, elle put prendre la parole, fixant la meneuse dans les yeux.

« Moi je ne trouve pas que tu accumules les conneries, sérieux. Tu continues à déconner avec moi, tu entraînes If, tu te défonces pour le clan ... Je vois pas vraiment où tu me sors que tu fais des imbécilités. Pour Plume Argenté, c’est normal. Tu venais de perdre le mentor de ton propre mentor ! Tu as dû ressentir ça comme si tu vivais une seconde fois la mort de Mirage, je me trompe ? Ensuite, tu as été taper discute avec le clan des Etoiles, ce n’est pas comme si tu allais prendre le thé avec un campagnol ! Tu es rentrée, les yeux encore emplis de la lumière des étoiles ; comme If, j’ai cru que tu avais changé. Que ce ne serait plus jamais comme avant, qu’il y aurait un monde entre nous. Quand tu as répondu à If ... J’ai compris que je m’étais plantée. On ne peut négliger les êtres que l’on aime. C’est comme ça. Tant que tu ne me négliges pas, je serais toujours là pour toi, tu le sais bien. Et je sais que c’est pareil pour toi. Le soir même, après avoir parlé au clan des Etoiles, après avoir perdu notre ancienne meneuse, tu as dû nommer un lieutenant. J’aurais peut-être été une meilleure lieutenante que Plume Argentée, mais je ne voulais et ne veux toujours pas de ce poste. Tu as fais un choix que tu pensais bon ; tu étais troublée. C’est normal de se planter, parfois. Il faut juste que ça n’ai pas un impact trop grave sur toi. Et puis tu sais ... Si tu as besoin d’aide, parfois, pour faire un choix, tu peux me demander aussi. Je ne choisirai pas pour toi, je sais très bien que tu n’aimerais pas et de toute façon, je ne pense pas que c’est à une simple guerrière de choisir à la place de la meneuse, mais je te donnerais mon avis franchement. Et puis tu peux demander à If aussi. Et à papa. Et à maman. Et aux Etoiles, aussi. Et puis sinon, à Larme Incandescente, tu as l’air de bien l’aimer. Ou bien à n’importe quel guerrier. On est tous là pour toi. Sauf peut-être Plume Argentée, mais elle, elle ne compte pas. Non, sérieux, est-ce qu’un gros lardon qui se gave de graines pour faire fitness cat, il compte dans le Clan ? Je sais que tu sais sûrement la plupart des choses que je viens de te dire. Ca n’a aucun rapport avec ce que tu m’as dit précédemment, je le sais aussi. Mais je refuse quand même de t’entendre dire que tu accumules les conneries. Compris ? »

Elle se plaça devant sa sœur, plantant bien ses yeux bleus dans ceux, mordorés, de Feuille. Elle s’imprégna de tous les sentiments qu’elle y lisait, de toutes les nuances d’or qu’elle y décelait, de tout ce qu’elle pouvait sentir, voir ou percevoir dans ce regard.

Alors ? Compris ?

OMG Momo qui répond à un de ses rp ! o___o' Faut me secouer sur MSN, roooh. Bon désolée, c'est le gros délire, mais je voyais pas vraiment quoi mettre. 8______8