Cuz' I love your smile.

Darling.
« I hate to see you so angry with the world. »

« Euh.. Larme Incandescente, tu es sûr qu'on a le droit ? Après tout.. Je ne suis pas sûr que.. »
« Ah là là, mon petit Nuage de Pinson, comme tu es mignon ! Je reconnais bien là l'ardeur des apprentis à respecter le code du guerrier à la lettre ! »
« Mais je.. Euh, Queue de Serpent.. »
« Fais confiance à Larme Incandescente, Pinson. »

Le chaton brun tigré afficha une mine butée, que les deux autres mâles ne purent apercevoir ; après tout, ils étaient derrière lui. Malgré la température plutôt chaude, il frissonna. La saison des feuilles nouvelles était déjà bien avancée, le ciel était dégagé, le soleil tapait fort.. et par terre, les pierres blanches émergeant du sol comme autant de dents mal poussées dans la gencive ravagée d'un enfant gourmand réverbéraient de leur surface marmoréenne les rayons de l'astre du jour. La patrouille du midi - composée de Larme Incandescente, Queue de Serpent et son apprenti Nuage de Pinson - terrassée par la chaleur ambiante, se trouvait dans l'ombre de l'un de ces rochers. Sans quitter des yeux un point devant lui, le novice prit une grande inspiration, sentant l'arrivée imminente du moment fatidique ; il ramena tout son poids sur son arrière-train, levant le derrière en l'air, tendit ses muscles.. non, son mentor lui avait dit de se détendre. Enfin en même temps, il fallait qu'il se prépare physiquement, et il avait besoin de bander pour ça. A la dernière minute, il prit peur. Gardant le regard figé, il murmura à l'adresse des deux guerriers :

« Je.. Je ne suis pas sûr d'être prêt. Après tout, ce serait la première fois. Et la plupart des apprentis de mon âge ne font pas ça.. »
« Qu'est-ce que tu me chantes, Pinson ? ronchonna l'un des deux - il ne pouvait le déterminer avec exactitude. Allez ! Ça te fera un bon entraînement pour plus tard, de toute façon. »

Un instant, il fut tenté de regarder en arrière, mais il se retint à temps. Regarder en arrière, ce serait comme reculer. Prendre peur. Abandonner. Et ça il n'en était pas question. En plus, il ne pouvait pas prendre le risque de faire faux bond à Larme Incandescente et Queue de Serpent.. Le jeune chat sentait dans sa nuque les regards brûlants du lieutenant et de son mentor. Allons, il n'était plus temps de tergiverser. Malgré tout, il sentit son cœur s'affoler dans sa poitrine.

« C'est bon. »

Il entendit les deux mâles ronronner doucement dans son dos, l'air de penser « Ah bah enfin.. C'est pas trop tôt. » C'était maintenant ou jamais, de toute façon. Nuage de Pinson leva la queue, sortit les griffes. Impact dans trois, deux, un..

C'EST PARTI.

« Magnifique, Pinson ! »

C'était fini. Larme Incandescente, Queue de Serpent sur ses talons, s'approcha à petits pas folâtres du novice qui se tenait sur le derrière, poil en bataille, regard ahuri. Entre ses pattes pleines d'un sang qui n'était pas le sien, le cou désarticulé d'un faisan pendait, misérable. Quelques plumes virevoltant alentour témoignaient de la folie du combat - un combat néanmoins rapide et efficace. Le chaton éructa :

« Attendez.. Vou-Vous avez vu la grosseur de ses.. ses grosses pattes griffues ?! Il aurait pu me tuer ! »

Queue de Serpent eut un haussement d'épaules.

« Mais non, mais non.. »
« De toute façon, renchérit le lieutenant, tu te rends compte que ce que tu viens d'attraper ? Un faisan ! Même un guerrier expérimenté peut en louper un. Il y a de quoi nourrir tout le Clan là-dedans.. Je ferai part de ton exploit à Étoile de Feuille, sois en certain. Il me semble que tu as bientôt dix lunes » termina-t-il en lui décochant un clin d'œil complice.

Et sur ces paroles, le noiraud s'avança.. et arracha le ventre de l'oiseau. Sous le regard effaré de Nuage de Pinson.

« Mais.. Qu'est-ce que tu fais ?! » babilla-t-il d'une voie devenue horriblement aiguë.

Surpris, Larme Incandescente releva la tête brusquement, observant avec de grands yeux l'apprenti. Il était plutôt comique, avec ses prunelles grandes ouvertes d'un jaune métallique où se reflétait l'étonnement, ses oreilles dressées, et le sang qui barbouillait son museau autour de sa gueule pleine. Prenant le temps de mastiquer, il avala son morceau avant de daigner répondre au chaton. A côté, presque en douce, Queue de Serpent prélevait lui aussi une bouchée du faisan.

« Qu'est-ce qui se passe, Nuage de Pinson ? Je sais que je suis glouton, mais il y en aura pour toi, grand chasseur. Et même repus, ce qui restera pourra nourrir tout le monde au Camp. »
« Mais.. On a pas le droit ! On est en patrouille ! »

Le lieutenant resta un instant interloqué, la mine perplexe.. Avant de comprendre. Et d'éclater de rire.

« Ah mon Pinson, tu es vraiment trop drôle ! Certes, un guerrier en mission de chasse n'a pas le droit de manger son gibier. Une patrouille, si. Et puis, nous avons terminé notre ronde, alors nous n'avons plus d'obligations.. Nous avons bien le droit de nous rassasier un peu sur le chemin du retour » Devant le visage toujours choqué du novice, il continua. « Allons bon, tu m'as l'air un peu fatigué.. Mange un bout, puis rapporte le faisan au Camp avec ton mentor. Je reste dans le coin. »

Nuage de Pinson était toujours immobile. Larme Incandescente soupira et, finalement, il s'en alla avec le volatile poussé à petits coups de museau par Queue de Serpent. Le noiraud les regarda s'éloigner, jusqu'à ce qu'ils disparaissent au détour d'un rocher.

Ah, ces apprentis.. toujours aussi coincés. Détournant le regard, le noiraud poussa un nouveau soupir, nettement plus ostensible. Il était bien gentil, ce Nuage de Pinson, mais bien trop naïf. Trop.. sage. Au grand dam de son mentor, Queue de Serpent, un grand matou au pelage de boue âgé de dix-neuf lunes et qui valait bien son jeune âge ; il lui reprochait souvent sa jugeote, même s'il appréciait beaucoup le garçon qui était son premier apprenti. Pensif, le lieutenant se mordilla la lèvre inférieure. Et lui, le grand Incandescent, était-il aussi soigneux à dix lunes ? Si modèle ? Sûrement pas. Non, le Nuage Incandescent de l'époque était une vraie tête de mule, obéissant seulement quand il le voulait, fuguant toujours plus loin, toujours plus fort.. toujours plus romantique. Il n'oubliait pas ses multiples tentatives d'antan pour trouver celle qui le ferait éternellement piaffer. Ses multiples échecs, quoi. Plongé dans ses souvenirs, il bondit gracieusement sur l'une de ces pierres couleur d'ivoire, savourant la caresse du soleil sur son épiderme. Tout avait commencé avec.. elle.

« Petit Bleuet n'avait pourtant rien d'extraordinaire, rien de plus que ses amies. Le pelage encore duveteux, gris tigré, de grands yeux bleus en amande, elle n'était pas la plus belle, ni la plus intelligente. Et pourtant, elle était la seule à pouvoir se vanter d'être l'amie de Patte Incandescente, ce mouilleur de pré-pubères. Alors que leur jeu se poursuivait sur une courte accalmie, elle vit le noiraud l'interpeller d'un simple mouvement de la queue. Aussitôt, elle quitta le groupe de minettes pour aller rejoindre son cher et tendre. Elle aimait bien - non, elle adorait - la maturité qu'il dégageait, l'espèce d'aura de tranquillité qui transparaissait autour de lui. Avec lui, elle ne jouait jamais. Ils discutaient, ou alors ils joignaient leur silence. Elle aimait sa présence. C'était son meilleur ami. Et elle désirait toujours plus de lui. Mais cet amour pur et innocent, c'était là un amour impossible : Patte Incandescente n'avait de cesse de jurer leur amitié éternelle, et quand il lui disait « Je t'aime », elle savait que c'était sa façon à lui de dire « Tu es une sœur pour moi » - et il n'avait rien qu'un incestueux. Pourtant, parfois, il lui arrivait de ne plus savoir quoi penser de sa relation avec le beau chaton.. Comme lorsque le soir dans la pouponnière ou allongés côte à côte au soleil, ils étaient blottis l'un contre l'autre, et qu'il lui prodiguait des frottements contre sa fourrure indéfinissables, provoquant en elle ce sentiment confus qui l'enivrait. Ou quand suite à une parole ou à une réplique amusante, il ronronnait doucement puis posait sur elle ce regard impénétrable, suivi d'un long silence qu'on ne trouvait que dans les romances. Cela faisait trois lunes qu'ils vivaient cette amitié pleine de tensions, trois lunes bien trop longues pour une chatonne comme elle. En sentant son ardeur pour lui, elle piaffait d'impatience, guettant l'instant inespéré où il lui susurrerait de tendres sentiments à l'oreille, bien que cela ne fût impossible - mais alors, comment expliquer les débordements de Patte Incandescente à chaque fois qu'elle finissait d'espérer de lui ? À moins qu'il ne le fasse... exprès ? Impossible. Même un matou aussi futé que lui était trop jeune pour avoir des idées aussi tordues.. »

Petit Bleuet. Bleuet. Le Bleuet. Son Bleuet.
Son premier amour. Et un amour, il va sans dire, déçu.

Pourquoi elle ? et pas une autre ? Elle n'était ni la plus belle, ni la plus intelligente. Peut-être aurait-il en aimé une autre. Comme Petite Plume, cette jolie tête blanche aux yeux vairons, ou même Boule d'Épines, la redoutable femelle brun tigré. Elles, au moins, elles avaient cette aura, cet attrait. Bleuet, non. Et pourtant, c'était elle qu'il avait aimé. Quel idiot. On ne contrôle pas les sentiments, maugréa-t-il intérieurement. Contre cette petite voix en lui qui jaillissait quand il ne faisait rien. Qui lui soufflait toujours qu'il avait tort. Secouant la tête comme si cela pouvait chasser le petit démon de sa tête, il tourna plusieurs fois sur lui-même et s'allongea, tête posée sur ses pattes. Quelque part, oui, il avait dû faire le mauvais choix. Bleuet était trop.. simplette. Trop pâle. Trop naïve. Un peu comme Nuage de Pinson. Mais Pinson, lui au moins, avait une image. Pas Bleuet. Bleuet n'était rien. Elle n'avait rien compris - rien sur rien. Oh si, au début, elle avait joué le jeu, tenté de se prêter aux aléas du labyrinthe que s'était plu à construire progressivement le petit Incandescent. Mais elle avait fini par craquer. Bleuet avait violé les règles du jeu. Désespérée de voir le séraphin lui échapper à chaque fois, elle avait essayé de se hisser sur les barrières. On ne se hisse pas sur les barrières d'un labyrinthe. C'est de l'anti-jeu. Il avait été obligé de la disqualifier. Non, décidément, il n'arrivait pas à rester immobile. Se redressant, il resta sur place quelques secondes, sans vraiment savoir quoi faire. Dans son ennui, il commença à sauter de pierres en pierres, sans jamais toucher la terre ferme.

« Et ensuite ?.. »
« Et ensuite quoi ? »
« C'est quoi, la suite de l'histoire ? »

La suite ? Oh bah.. Il avait définitivement banni l'image de Bleuet de son esprit, si bien qu'elle n'avait bientôt jamais existé à ses yeux. Il ne lui avait jamais reparlé. Ou alors, il ne l'avait pas reconnue. L'auto-persuasion, il n'y avait que ça de vrai. Pourtant, il ne s'était pas arrêté là. Il était persuadé qu'en avançant à tâtons, testant une à une celles qui faisaient affoler son cœur, il finirait par tomber sur celle qui répondrait à ses désirs de.. non-désir. Malheureusement, il ne l'avait pas trouvé. Pas encore. Il finit par déraper sur l'un des rochers, et glissa sur le sol. Devant quelqu'un. Secrètement, il continuait d'espérer que quelque part sur terre, une femelle saurait faire piaffer sa concupiscence, sans jamais l'exaucer. Qu'il pourrait goûter à une lune éternelle de promesses et d'espérances. Qu'il pourrait rencontrer une fille qu'il aimerait à la folie et, en même temps, pourrait saluer chaque fois de la même manière, comme au premier jour. Comme..

« Salut Bleuet. »

« Salut Muse. »

OMG. Quand je relis le début, ça fait vraiment.. douteux.

« Je crois que ... »
Silence. Muse Eternelle parcourut l’assemblée du regard, mal à l’aise. Une ribambelle de chatons qui la dévoraient du regard, se collant contre elle, avec leurs yeux dégoulinants d’idolâtrie. Comme elle détestait cela. Et le pire était qu’elle ne savait comment s’en débarrasser. Les petits voulaient savoir quoi, au juste ? Ah oui. Encore quelque chose que leurs mères, avides de vengeance vu que Muse faisait tourner les têtes, avaient dû leur murmurer en espérant la blesser. Manque de chance ... C’était réussi. Pauvres petits abrutis de chatons, qui n’avaient aucunement conscience du mal qu’ils pouvaient lui faire.
« Je crois que vos mères vous le raconteront mieux que moi, elles qui ont la parole divine et intarissable. »
Et sur ces mots, elle fit vivement volte face, s’éloignant à grands pas avant même qu’un seul des chatons n’ai eut le temps de répliquer. Elle passa en trombe devant les reines, qui la suivirent du regard, un sourire triomphant sur les lèvres. Des poules attardées caquetant sans interruption. Elle passa au même rythme devant la tanière de la meneuse, Etoile de Feuille. Une lumière dans cet abîme d’imbécillité. Elle aimait sa sœur. Plus que quiconque en ce monde. Elle aimait sa sœur, d’un amour fraternel et puissant, plus fort encore que les liens qui unissaient les mères et leurs enfants. Plus fort encore que les chaînes qui brisaient les ailes des tourtereaux. Traversant le campement à grands pas, Muse Eternelle rejoignit bien vite l’entrée, et se coula à l’extérieur du camp. Loin du clan. Loin des reines. Loin du monde. Elle avait besoin de cette solitude, de ce silence. L’effervescente agitation de la tribu à laquelle elle appartenait était trop ... bruyante. Caquetante. Hurlante.
Gênante.
Et puis il y avait ces reines, ces matous, ces apprentis, cette ex-lieutenante. Tous ces chats qui n’attendaient que l’occasion rêvée pour lui faire payer ses « affronts ». Elle avait conscience que sa conduite laissait vraiment à désirer. Sa sœur était obligée de la couvrir de plus en plus souvent, de se débrouiller pour faire passer la pilule plus doucement. Les autres ne comprenaient pas. Ne pouvaient pas comprendre. Ne voulaient pas comprendre. Depuis toujours, ils avaient besoin de compagnie, de vie sociale. D’être un maillon dans une chaîne bien ordonnée, qui tournait à l’infini. Pas elle. Non, Muse Eternelle voyait les autres matous du clan, excepté Etoile de Feuille et Nuage d’If, comme des liens qui la retenaient au sol. Lui dicter sa conduite. Lui voler son temps. Lui voler ses proies. Lui voler, peu à peu, sa vie. Mais pour rien au monde, elle n’aurait quitté son clan. Elle aimait trop Feuille et If. Elle aimait trop la simplicité de sa vie – métro, boulot, dodo – pour s’en débarrasser. Pourtant ... Il y avait ces quelques fois, où les reines envoyaient leurs chatons raviver en elle de douloureux souvenirs.
Ces fois dont elle se serait volontiers passée.

« C’était il y a dix lune, je crois. Un peu plus, un peu moins, qu’est-ce que ça fait ? Il était parti, avec Mirage, avec Graine de Feu. Chasser un blaireau. Ils étaient partis, tous les trois, sous la pluie. Etoile Céleste nous avait envoyées en patrouille, ce matin là. Il pleuvait. Ca inquiétait Etoile Céleste. Nous avions parlé avec elle. Elle nous avait dit que Plume Volante était parti là-bas. Je m’étais élancée sous la pluie, en première. J’avais peur. Peur qu’il meurt sans m’avoir pardonnée. Peur qu’il parte et me haïsse. Peur de le perdre. Alors j’avais couru. Couru jusqu’à le retrouver. Et il était là. Il baignait dans son sang, qui s’échappait de son ventre avec sa vie. Il m’a sourit. Il m’a parlé. Je n’oublierai jamais ses mots. Il était serein. Il m’avait dit qu’il avait demandé à la lune, si je voulais encore de lui. Que la lune s’était moquée de lui. Puis il m’avait dit, aussi, qu’il n’avait jamais cessé de m’aimer. Dans une dernière étreinte, il était parti. Il m’avait abandonnée.
Il avait rompu mes chaînes et s’en était allé. »

Elle était arrivée aux pierres blanches. Elle voulait être seule. Mais non. Une boule de poils noirs s’écrasa devant ses pattes, non sans grâce. Un éclat amer traversa rapidement son regard. Pas lui.

« Bonjour, Larme Incandescente. »

Froideur. Timidité due à l’étiquette ? Ridicule, elle était la sœur de la meneuse. Gêne mue par la beauté du lieutenant ? Encore plus risible, elle était tout aussi sublime. Simple antipathie envers lui ? Voilà. Elle ne l’aimait pas. Elle avait surpris son regard, quand Etoile de Feuille l’avait nommé. Elle avait vu cette lumière ... étrange, dans ses yeux. Une flamme de désir, d’avidité. Une flamme froide, calculatrice. Elle avait peur de deviner ce que voulait dire cette flamme. Il voulait jouer avec elle. Amour platonique ? Simple cupidité ? Qu’en savait-elle ! Tout ce dont elle avait conscience, c’était que sa sœur ne semblait pas insensible au charme du beau matou. Le gros bonhomme ailé avait décidément très mal visé. Elle, la belle balinoise, elle, Muse Eternelle, se méfiait du lieutenant. Et n’appréciait pas vraiment le fait que sa sœur le dévore du regard.

Toujours aussi froide, elle s’assit, le fixant. Allait-il la disputer de ses écarts ? Comme ça aurait été amusant. Peut-être allait-il s’embarquer dans une pitoyable tentative de drague. Peut-être, enfin, n’allait-il rien dire. C’est sûrement l’option qui lui plaisait le plus. Le silence.
Pour remplacer la solitude.

Et puis voilà. C'est pourri, ça radote, ça a tardé. Désolée.